Fiscalité au Québec : Les risques d'un secteur non réglementé

La figure du fiscaliste au Québec, bien que tenue en haute estime, n'est pas celle que vous croyez. Elle opère dans un secteur surprenant par son absence de réglementation. Cet article met en lumière les défis que cela pose pour la fiabilité, la responsabilité et l'intégrité du conseil fiscal.

Fiscalité au Québec : Les risques d'un secteur non réglementé
PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Alors que la saison des déclarations fiscales bat son plein, entreprises et particuliers de la belle province s'empressent de chercher l'assistance de fiscalistes pour maximiser leur rendement fiscal et naviguer dans le labyrinthe complexe des lois de l'impôt. On attribue communément au fiscaliste une stature élevée dans la hiérarchie professionnelle, une sommité de calibre égal à celui des avocats, comptables et notaires. Ce sont ces experts qui sont souvent les architectes des stratégies fiscales les plus complexes, guidant leurs clients à travers un système d'impôts et de cotisations fort complexe.

Une facette moins connue de cette profession en apparence noble est sa surprenante absence de réglementation au Québec. En effet, la profession de fiscaliste n'est pas réglementée au Québec. La question de pose : sans organisme régulateur pour attester de la compétence des fiscalistes, comment le public peut-il se fier à la validité des conseils reçus? 

Un constat troublant se dégage : n'importe qui peut s'autoproclamer fiscaliste sans répondre à des critères stricts de qualification. Cela pose la question de la fiabilité et de la responsabilité des conseils fournis par ces spécialistes autoproclamés. Dans une discipline où une simple erreur peut entraîner des répercussions financières sévères, cette absence de garde-fou officiel est d'autant plus préoccupante.

En approfondissant, on découvre que non seulement le titre de fiscaliste est non réglementé, mais également qu'en cas de litige ou d'erreur, les recours pour le client sont limités. La situation est alarmante : les erreurs de déclaration peuvent mener à des vérifications fiscales, des cotisations supplémentaires, des pénalités et intérêts, voire des saisies d'actifs. Les conséquences pour les individus et les entreprises peuvent être dévastatrices.

L'histoire personnelle récente d'une mauvaise expérience avec un fiscaliste vient étayer ce constat. Un ami avocat, lorsque je lui ai partagé mon histoire, m’a fait remarquer non sans ironie que « tout le monde peut être fiscaliste » au Québec. Cette révélation vient comme un coup de tonnerre. Comment un domaine aussi critique que le conseil fiscal peut-il être laissé sans surveillance adéquate?

La nécessité d'une réglementation se fait de plus en plus pressante. Non seulement pour protéger les consommateurs, mais aussi pour préserver l'intégrité du système fiscal. Dans une province où l'équité et la justice sont tenues en haute estime, le laissez-faire actuel autour de la profession de fiscaliste apparaît comme une anomalie inquiétante.

Il est essentiel que les consommateurs fassent preuve de diligence raisonnable en choisissant leur fiscaliste. Il faut rechercher des professionnels aux compétences vérifiables, ayant de préférence des références attestées par des organismes reconnus. Déjà, cherchez des fiscalistes qui ont au minimum un titre de CPA (Comptable Professionnel Agréé) ou une carte du Barreau du Québec, des indices de crédibilité de base.

Face à cette situation, le rôle des ordres professionnels et des associations est d'autant plus crucial. Ils offrent un cadre de référence et une garantie de l'expertise de leurs membres. Néanmoins, en l'absence d'une réglementation spécifique pour les fiscalistes, c'est souvent au consommateur de déchiffrer quel conseiller détient les qualifications et l'expérience nécessaires pour naviguer avec assurance dans le système fiscal.

Il convient de se demander pourquoi un tel vide réglementaire persiste dans une province où la transparence et la responsabilité sont si souvent mises en avant. Il s'agit d'un enjeu qui touche tous les citoyens, car chacun est un contribuable potentiel. L'appel à une réglementation est un cri du cœur pour une plus grande équité et protection dans le domaine fiscal.

La régulation de la profession de fiscaliste au Québec n'est pas simplement une question administrative, c'est une question de justice fiscale, de protection des contribuables, et finalement, de confiance dans le système fiscal. Il est temps pour le Québec de suivre l'exemple d'autres juridictions où la profession est encadrée par des normes strictes et un système de responsabilité clair, afin de protéger les intérêts de tous les acteurs impliqués et de maintenir l'intégrité du système fiscal. Cela nécessitera une volonté politique, un dialogue entre les diverses parties prenantes et une évolution des mentalités pour reconnaître la fiscalité comme un domaine exigeant une expertise et une éthique irréprochables.

 Au-delà de l'appel à une réglementation, cet article cherche à sensibiliser le lecteur sur l'importance de la sélection d'un fiscaliste compétent et intègre. Il met en lumière la responsabilité individuelle dans un système qui ne fournit pas encore de filet de sécurité réglementaire. Il souligne l'urgence d'un changement, non seulement pour la protection individuelle mais aussi pour le bien-être collectif. Car au bout du compte, la fiscalité n'est pas qu'une question d'argent, c'est une question de confiance dans l'équité et l'intégrité de nos institutions. 

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Jamie Larson
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